Un psychiatre dénonce le manque d'humanité de ses confrères
Un psychiatre accuse : maltraitance des autistes graves et de leur famille par le service public
Je suis médecin-psychiatre depuis 42 ans (l’ensemble de ma carrière en milieu hospitalier ou assimilé) et n’ai jamais cessé de m’occuper d’autistes. En dehors de la polémique actuelle, psychanalyse versus cognitivo-comportementalisme, j’appuie mes équipes dans l’application des méthodes modernes, tel le PECS. Je suis attaché à plusieurs structures de jour de type IME, gérées par une association de parents.
Pour la quatrième fois depuis trois ans, je me bats en vain avec le service public de psychiatrie infanto-juvenile de l’Aude pour le soin aux autistes graves. Quand de tels enfants, adolescents ou jeunes adultes (pas de langage, handicap énorme) abordent des phases de décompensation violente (automutilations sérieuses, mise en danger des autres enfants, violences notamment en phase de puberté), un recours à une hospitalisation brève est indispensable pour les stabiliser. Dans l’Aude, où j’exerce, le service public refuse de se charger de tels cas lours, sans grandes perspectives et peu valorisants. Pour trois patients différents, j’ai vécu ces impasses extrêmement douloureuses pour les familles, frappées d’une double peine, avoir un enfant gravement déficient et le voir rejeté par ceux qui sont là pour le soigner et l’éduquer.
Le quatrième cas, en cours, est particulièrement révoltant. La souffrance extrême de A. (12 ans) et de sa famille (maman au bord d’un passage à l’acte désespéré, comme de tristes faits divers l’illustrent régulièrement) m’a amené à annoncer une grève de la faim pour que notre demande de soins, réiétrée à de nombreuses reprises depuis septembre 2011, soit prise en compte. La préfecture de l’Aude est intervenue, m’assurant qu’une solution rapide serait trouvée. Trois semaines après, le service public refuse toujours de s’occuper sérieusement d’A., arguant d’un trop-plein de patients en « phobie scolaire ».
Mes consoeurs ont toutefois consenti à recevoir les parents et leur ont fait visiter le service en s’arrêtant avec emphase devant la chambre d’isolement et en signalant qu’A. y serait enfermé en cas d’hospitalisation. Bien évidemment, les parents en ont été indignés, se sentant totalement manipulés.
Je partage cette révolte pour plusieurs raisons :
1- Le service public a pour mission d’accueillir tous les types de patients, même (et surtout) les cas lourds.
2- Le placement en chambre d’isolement est strictement réglementé, ne peut en aucune manière être anticipé sur un mode punitif ou prétendu éducatif, encore moins pour un chantage.
3- Un tel chantage par un médecin est contraire au code de déontologie médicale (j’ai d’ailleurs engagé une plainte auprès du Conseil de l’Ordre des médecins).
4- Sur un plan purement humain, face à des parents et un enfant en souffrance, ce comportement est la marque d’une indifférence absolue à ceux que l’on a fait serment de soigner et servir.
Après avoir alerté en vain toutes les instances médicales et administratives possibles, je m’en remets au soutien des médias, de mes confrères médecins et des associations de parents.
Pierre SANS, docteur en médecine
Publier par : http://autisteenfrance.over-blog.com/article-un-psychiatre-denonce-le-manque-d-humanite-de-ses-confreres-102669782.html
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