Mallory voué à l\'exil l\'enfermement

BRISER L'ISOLEMENT

 

"Il n'existe pas de traitement curatif contre l'autisme. Il faut en effet comprendre que le cerveau des autistes est vraiment différent du nôtre à plusieurs niveaux. « On ne peut pas transformer une baleine en poisson ou un poisson en baleine juste en leur donnant des médicaments car les différences génétiques sont trop importantes, raconte le Dr Mottron. Or, c'est la même chose avec l'autisme. Les différences sont telles qu'on ne peut pas envisager un retour à la norme pour l'individu autiste. »
 
Cela dit, même si l'autisme est un handicap qui dure toute la vie, on peut améliorer un grand nombre des symptômes incapacitants et ainsi accroître grandement la capacité de fonctionner de ces personnes. Comme on ne traite pas l'autisme à l'aide de médicaments — ces derniers ne sont employés que pour traiter des troubles associés tels que l'épilepsie, l'hyperactivité, l'anxiété et la dépression dont souffrent parfois les autistes — on utilise plutôt une vaste gamme de programmes éducatifs et de mesures de soutien. « Comme les enfants autistes ne traitent pas l'information de la même manière que nous et, par conséquent, qu'ils n'apprennent pas comme nous, il faut s'y prendre différemment », explique le Dr Cousineau. Pour commencer à leur apprendre à communiquer leurs besoins avant l'émergence du langage oral, on utilise par exemple des gestes ou des pictogrammes (images). Le grand défi avec l'enfant autiste est de stimuler son désir de communiquer et d'interagir avec l'autre."
 

 

 

Une prise en charge précoce et intensive est primordiale pour les enfants autistes
 
Lucie Turgeon

C'est vers l'âge de deux ans que tout a commencé. William, le petit dernier de Diane Serret, ne parle pas et ne se retourne pas quand on l'appelle. Cette mère de cinq enfants de Terrebonne, au Québec, craint d'abord que son enfant ne soit sourd. Elle lui fait donc passer deux tests d'audition qui démontrent que William n'a pas de problème d'ouïe. Parallèlement, Diane fait des recherches sur Internet et tombe souvent sur le mot autisme. Peu à peu, le doute commence à s'immiscer en elle. Puis, lorsqu'un médecin raconte, au cours d'une émission télévisée, que les enfants autistes utilisent beaucoup la stimulation en regardant les objets de biais, Diane n'a plus beaucoup d'incertitude. Aussi, lorsque les intervenants de l'Hôpital Rivière-des-Prairies (HRDP) confirment le diagnostic d'autisme de William, qui a alors trois ans, Diane sait que sa vie vient de changer.

L'autisme est en effet un trouble neurologique qui entrave le développement normal du cerveau. Il se déclare généralement au cours des trois premières années de la vie de l'enfant. « Comme ce trouble modifie la façon dont le cerveau traite l'information, l'enfant autiste se développe différemment et à un rythme différent des autres enfants », explique le Dr Laurent Mottron, psychiatre et chercheur du laboratoire de cognition de l'autisme de l'HRDP et professeur titulaire au Département de psychiatrie de l'Université de Montréal.

Le comportement autistique

Au niveau du comportement, cela se traduit par un manque d'intérêt important pour les activités ou les relations sociales. Par exemple, les enfants autistes ont tendance à ne pas interagir avec les jeunes de leur âge. Ils ont également tendance à éviter les contacts visuels et à regarder les gens de biais plutôt que de face. L'autisme se caractérise également par un trouble de la communication; chez les autistes, le développement du langage est généralement retardé, et dans de rares cas inexistant.

Enfin, l'autisme se définit par un répertoire restreint et répétitif des comportements, des intérêts et des activités. Ce répertoire s'élargira au cours de la vie, mais restera toujours plus répétitif que celui d'un enfant « normal ». Par exemple, les enfants autistes vont souvent faire des gestes répétitifs tels que faire tournoyer un bâton ou battre des mains. Ils ont également tendance à tenir fermement à des routines et à résister à tout changement qui perturbe leur univers. Cela dit, les autistes présentent souvent des crises d'angoisse, des troubles du sommeil ou de l'alimentation. Ils peuvent être pris de colères et avoir des comportements agressifs, y compris envers eux-mêmes.

Une origine génétique

Les causes de l'autisme ne sont pas à ce jour totalement élucidées. La seule chose que l'on peut affirmer est que ce trouble a une origine génétique, même si on ne connaît pas encore clairement les gènes impliqués. « La génétique n'explique pas tout », affirme toutefois le Dr Dominique Cousineau, pédiatre et chef de la section Développement enfant au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine à Montréal. En effet, chez des jumeaux homozygotes (génétiquement identiques), il arrive qu'un des jumeaux soit autiste et que l'autre ne le soit pas ou encore qu'il soit atteint d'une autre forme de trouble du développement. « Il semble qu'il y ait un ou des facteurs externes qui contribuent à ce que la maladie se manifeste ou pas, mais leur nature et le mécanisme d'action n'est pas clair à ce jour », ajoute le Dr Cousineau.

Aucun facteur environnemental n'a encore été établi avec certitude, mais les chercheurs continuent à examiner les toxins environnementaux, les facteurs anténataux et les infections virales. Les vaccins n'ont donc rien à avoir avec l'autisme. Le Dr Mottron est d'ailleurs catégorique sur le sujet : « L'hypothèse que les vaccins soient responsables de l'augmentation apparente du nombre de personnes autistes est totalement réfutée au niveau scientifique. C'est un mythe. » Quant à l'origine du mythe des vaccins et de l'autisme, c'est que l'on administre les vaccins RRO (contre la rubéole, la rougeole et les oreillons) à 18 mois, et que c'est à cet âge que se manifestent les premiers symptômes de la maladie.

Une épidémie d'autisme ?

On entend de plus en plus parler d'autisme. Certains parlent même d'une épidémie. Or, les Drs Mottron et Cousineau sont formels : il n'y a pas d'épidémie d'autisme. S'il est vrai que statistiquement il y a plus d'autisme qu'il y a 20 ans, cette augmentation est liée à la façon de décrire aujourd'hui la maladie et d'y inclure des gens moins typiques de cette catégorie.

Les personnes atteintes d'autisme peuvent en effet avoir des caractéristiques ou des symptômes très variés, ce qui a amené les spécialistes à considérer l'autisme comme un «spectre autistique» de typicité variable, lui-même intégré dans la catégorie plus étendue des troubles envahissants du développement. « C'est comme si on avait resserré les mailles du filet, ce qui fait qu'on englobe maintenant des personnes que l'on n'aurait jamais classé autrefois dans ce trouble du développement », explique le Dr Mottron. Bref, ce qu'on appelle à présent l'«autisme» ne comprend pas exclusivement des cas d'autisme purs ou typiques, mais également des formes dégradées de l'autisme ou moins typiques. C'est pourquoi on parle plutôt de troubles du spectre autistique. Le spectre comprend cinq troubles, y compris le syndrome d'Asperger.

 

Quelles sont les causes des troubles du spectre autistique

Il est généralement admis que l'autisme est causé par une anomalie des structures et des fonctions cérébrales. On observe des différences structurelles et chimiques dans le cerveau et dans certaines autres fonctions du corps chez les gens souffrant d'un trouble du spectre autistique. On sait que l'autisme entrave les connexions complexes du cerveau qui contrôlent et coordonnent l'interaction sociale, la perception sensorielle et la communication.

Des chercheurs étudient présentement, grâce à de nouvelles techniques d'imagerie cérébrale, les différences cérébrales sous-jacentes qui caractérisent l'autisme. Des études analysent comment le cervelet (la région du cerveau située à l'arrière du crâne) traite l'information, comment les différentes régions cérébrales interagissent entre elles et comment des changements dans ces relations au cours du développement du cerveau peuvent favoriser l'apparition de l'autisme. Une théorie veut que certains types de cellules migrent vers des régions du cerveau auxquelles elles n'étaient pas destinées, ce qui se produit souvent dans le cas de l'épilepsie.

— Source : la Société canadienne de l'autisme

Les symptômes d'autisme

L'enfant autiste peut présenter plusieurs de ces comportements :
•Présente un retard ou des anomalies de langage (jargonne de façon répétitive, répète tout ce qu'on dit plutôt que de répondre aux questions, récite en bloc des dialogues de film sans but communicatif, ne semble pas comprendre ce qu'on lui dit).
 •Ne réagit pas à l'appel de son prénom.
•Ne fait pas de demande, se débrouille seul la plupart du temps.
•Est fasciné par les objets qui tournent.
•Préfère s'isoler.
•Semble insensible à la douleur.
•Établit difficilement le contact avec autrui — ne s'intéresse pas aux autres enfants.
 •Résiste aux caresses.
•Est hyperactif (court sans but, tourne autour des objets, grimpe sur tout) ou hypoactif (très tranquille, peu demandant).
 •S'intéresse plus aux objets qu'aux personnes.
•Établit difficilement le contact visuel.
•A des intérêts restreints et répétitifs (ouvre et ferme les portes, fait tourner les objets).
 •Résiste aux changements de routine — fait des crises démesurées lorsqu'on lui demande de terminer une activité.

Si votre enfant manifeste de tels symptômes, consultez un médecin spécialiste de l'autisme aussitôt que possible. Le traitement précoce est très important.

Apprendre que notre enfant est atteint d'autisme est une expérience éprouvante pour les parents. Durant les six premiers mois, Diane Serret avoue qu'elle et son conjoint ont pleuré à tous les jours. « On se demandait le pourquoi et le comment. On ne comprenait tout simplement pas pourquoi on avait quatre enfants normaux et un autiste. »

D'ailleurs, encore aujourd'hui, Diane trouve difficile d'accepter que son petit dernier soit autiste.
 

Faire tomber les préjugés

Contrairement à ce que bien des gens croient, les enfants autistes ne sont pas nécessairement moins intelligents que les enfants dits normaux. Selon le Dr Mottron, on a surestimé la déficience intellectuelle dans l'autisme. « Auparavant, on estimait que 70 % des autistes souffraient de déficience intellectuelle, mais maintenant on parle plutôt de 40 %. De plus, de ces 40 %, il y a probablement de faux déficients, c'est-à-dire des enfants d'intelligence normale mais qui ne peuvent l'utiliser, faute d'accès à un matériau qu'ils soient capables de traiter. » De nombreux enfants autistes sont par conséquent d'intelligence normale, voire même d'intelligence supérieure. Les personnes autistes ont en effet des forces et des habiletés particulières. " Leur capacité d'attention est par exemple supérieure à celle des non-autistes, indique le Dr Mottron. Ils font également preuve d'un sens de la précision beaucoup plus aiguisé et peuvent traiter de l'information avec une grande exactitude. " Cela explique notamment pourquoi les autistes peuvent exceller dans des domaines tels que les mathématiques, la physique, la musique et les technologies.

Un dépistage et un diagnostic précoces

Comme dans le cas de Diane Serret, c'est souvent vers l'âge de 2 ans que les parents commencent à remarquer un retard dans le développement de leur enfant. Ils se rendent compte qu'il ne parle pas, qu'il n'utilise pas de gestes pour se faire comprendre (comme pointer vers un objet désiré), ne se retourne pas quand on l'appelle, ne tend pas les bras pour se faire prendre et répète toujours les mêmes activités avec des jouets ou d'autres objets.

Selon le Dr Cousineau, il y a toutefois des enfants autistes chez qui le tableau est manifeste dès la naissance et ce sont ces cas qui présenteront les retards de développement les plus importants à l'âge adulte. " Les parents se rendent compte rapidement que l'enfant n'est pas standard parce qu'il ne veut pas qu'ils le prennent dans leurs bras, parce qu'il est trop tranquille ou toujours irritable ou inconsolable, parce qu'il ne les regarde jamais dans les yeux, etc. " Dans tous les cas, il est très important de dépister et de diagnostiquer la maladie de façon précoce. Cela permet en effet de modifier la façon dont on s'adresse à l'enfant et dont on l'éduque, d'une manière qui optimise son développement.

« Les critères diagnostiques pour établir le diagnostic d'autisme ou d'un autre trouble envahissant du développement, poursuit le Dr Cousineau, se trouvent dans le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-IV, 4e édition) que publie l'Association américaine de psychiatrie, mais il existe plusieurs outils de dépistage et d'évaluation. » On porte une attention particulière à certains facteurs tels que l'absence de jeux imaginatifs, la difficulté à se faire des amis de son groupe d'âge, l'incapacité à parler et une fascination pour certains objets. A cinq ans, William est fasciné par l'eau.

Pas de traitement miracle

Il n'existe pas de traitement curatif contre l'autisme. Il faut en effet comprendre que le cerveau des autistes est vraiment différent du nôtre à plusieurs niveaux. « On ne peut pas transformer une baleine en poisson ou un poisson en baleine juste en leur donnant des médicaments car les différences génétiques sont trop importantes, raconte le Dr Mottron. Or, c'est la même chose avec l'autisme. Les différences sont telles qu'on ne peut pas envisager un retour à la norme pour l'individu autiste. »

Cela dit, même si l'autisme est un handicap qui dure toute la vie, on peut améliorer un grand nombre des symptômes incapacitants et ainsi accroître grandement la capacité de fonctionner de ces personnes. Comme on ne traite pas l'autisme à l'aide de médicaments — ces derniers ne sont employés que pour traiter des troubles associés tels que l'épilepsie, l'hyperactivité, l'anxiété et la dépression dont souffrent parfois les autistes — on utilise plutôt une vaste gamme de programmes éducatifs et de mesures de soutien. « Comme les enfants autistes ne traitent pas l'information de la même manière que nous et, par conséquent, qu'ils n'apprennent pas comme nous, il faut s'y prendre différemment », explique le Dr Cousineau. Pour commencer à leur apprendre à communiquer leurs besoins avant l'émergence du langage oral, on utilise par exemple des gestes ou des pictogrammes (images). Le grand défi avec l'enfant autiste est de stimuler son désir de communiquer et d'interagir avec l'autre.

Pour Diane, ces programmes éducatifs et ces mesures de soutien ont été une véritable bénédiction. « Au début, je ne savais pas quoi faire avec mon fils quand il ne voulait pas manger, quand il hurlait pendant des heures parce que son père était parti travailler ou quand il se mettait à sauter sans arrêt sur le sofa devant la télévision. » S'occuper d'un enfant autiste demande en effet énormément d'efforts et de temps aux parents. William a par exemple besoin d'une aide intensive et d'une supervision constante simplement pour passer la journée sans danger.

Aujourd'hui, Diane comprend mieux la condition de son fils et est mieux organisée. William a d'ailleurs fait beaucoup de progrès depuis deux ans. Âgé maintenant de cinq ans, William commence à répéter les mots. Il fait ce qu'on appelle de l'écholalie, ce qui constitue une forme d'entrée dans le langage pour ces enfants. Il comprend et utilise aussi certains signes de sourds et muets. Bien que Diane ne se fasse pas trop d'illusion sur l'avenir qui attend son enfant, elle continue à déployer tous les efforts dont elle est capable pour l'aider à devenir le plus autonome possible. « Les enfants autistes cachent un trésor au fond d'eux-mêmes. C'est à nous de leur donner les outils pour qu'ils s'en servent », conclut-elle.

 

Pour en savoir plus, contactez : La Société canadienne de l'autisme :             1-866-476-8440      . Visitez : www.autismsocietycanada.ca, ou visitez: Autisme Central :             514-345-1300      , www.autismcentral.ca



13/04/2012
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 5 autres membres