Lourdement atteint, Simon a tout de même en poche un diplôme de cinquième secondaire. «Mais il est passé d'une année à l'autre sans rien comprendre. Il a les acquis d'un enfant de sixième année», estime sa mère.
La communication entre Mme Moreau et son fils est difficile. «Quand je ne le comprends pas, il devient violent», dit-elle.
Au cours des dernières années, Mme Moreau a souvent été victime des colères de son fils. Elle a eu deux commotions cérébrales et cinq doigts cassés. «Au lieu qu'il aille dehors et passe sa colère sur n'importe qui, je l'ai toujours laissé m'agresser. C'est ma façon de le protéger», dit-elle.
En mars 2009, les colères de Simon étaient devenues ingérables. Mme Moreau avait besoin d'aide, mais ne savait pas vers qui se tourner. «Personne ne voulait le prendre», se souvient-elle. C'est finalement un centre qui aide les jeunes délinquants qui a accueilli Simon quelques jours.
Depuis, Mme Moreau a déménagé à Joliette. «Je me suis acheté deux appartements dans la même rue. J'habite dans un condo et mon fils dans l'autre. Je n'aurais pas pu m'acheter deux condos à Montréal parce que c'était trop cher», raconte-t-elle. Pour aller travailler dans la métropole, Mme Moreau doit faire de trois à quatre heures de transport par jour.
«Je dois appeler Simon à 9h30 pour le réveiller. Puis à 10h30 pour lui dire de faire sa vaisselle. Je dois faire deux épiceries, deux lavages. C'était plus simple de l'avoir chez moi. Mais je ne pouvais plus. C'est la solution que j'ai trouvée», dit-elle. Mais cette solution hypothèque sa qualité de vie et sa santé financière. «Le gouvernement ferme les yeux sur les autistes après 5 ans. Le réseau scolaire n'a pas les ressources pour les aider correctement. Et devenus adultes, les autistes sont laissés pour compte», dit-elle.
Fondatrice de l'entreprise ConsulTED et elle-même autiste, Brigitte Harrison affirme que les autistes adultes sont actuellement «dans les quatre P». « «Ils sont en prison, en psychiatrie, chez leurs parents ou au paradis», dit-elle. Mme Harrisson juge déplorable que le gouvernement diminue de façon draconienne les services aux autistes quand ceux-ci ont plus de 5 ans. «C'est comme si on disait aux jeunes diabétiques qu'après 6 ans, ils n'auraient plus d'insuline... Ça n'a pas de bon sens», dit-elle.
Le Dr Sylvain Palardy dirige une clinique de pédopsychiatrie au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine. De 35% à 40% des enfants qu'il voit sont atteints de TED. Selon lui, il est aberrant que le gouvernement paie pour 20 heures d'intervention comportementale intensive aux enfants de 0 à 5 ans, mais qu'après, presque tout s'arrête. Dans son rapport publié en octobre 2009, la protectrice du citoyen a d'ailleurs noté «qu'aucune étude n'a encore été menée pour savoir l'impact de la cessation de l'ICI au primaire».
Responsable du programme d'ICI au CRDI Montérégie-Est, Gilles Lemaire reconnaît que la majeure partie des investissements va aux enfants d'âge préscolaire. Mais il souligne que certains services sont offerts après. «Il ne faut pas négliger l'apport d'une intervention comportementale précoce. Pour chaque enfant qu'on peut aider et qui ne terminera pas sa vie dans un logement supervisé, ça vaut le coup», dit-il.