Autisme, le livre « Qu’ont-ils fait de Florian ? » est-il trop réaliste ?
Jean Christophe Pietri est père de trois enfants dont Florian, jeune autiste âgé de 13 ans scolarisé en 6éme normale cette année.
Son parcours pour l’emmener jusque là a été semé d’embûches : le parcours du combattant habituel, sans répit pour les parents d’enfants autistes. Ces fameux obstacles à l’inclusion scolaire, qui sont bien trop nombreux pour que la majorité d’entre nous puissent les franchir.
Mais les parents de Florian se sont accrochés, et je suis admirative de leur ténacité.
Aujourd’hui, Jean-Christophe, lui-même dyslexique, vient de publier un livre ,« Qu’ont-ils fait de Florian ? », dans lequel il décrit ce parcours personnel… J’ai trouvé ce livre très juste et si réaliste, peut être trop au gout de certains ? Un livre écrit sans langue de bois, qui m’a fait beaucoup rire par ses expressions imagées dignes d’une parodie (sauf que ce n’en est pas une), par le ton humoristique employé. Cet humour est bien souvent salvateur pour survivre, pour pouvoir faire face à des situations souvent inimaginables pour la plupart des parents d’enfants « ordinaires ».
Actuellement ce livre, en vente depuis le 15 novembre, dérange beaucoup de personnes qui sont prêtes à tout pour empêcher sa diffusion… Mais pourquoi donc ? L’auteur le raconte très bien dans un interview de Alta Frequenza, une radio corse. Tout cela m’a donné envie d’en savoir plus, je lui ai posé quelques questions pour y voir plus clair.
Qu’ont-ils fait de Florian ?
Jean-Christophe Pietri
16,5 x 24 cm, 152 pages
16 €
commandez sur ce lien :
http://www.editionsaucoindelarue.fr/Recits/quont-ils-fait-de-florian-jean-christophe-pietri.html
Que raconte ce livre ?
Il raconte mon histoire et celle de mon fils, qui sert de prétexte à un reportage sur le monde des parents et enfants autistes confrontés à un système dont l’hypocrisie est telle qu’au lieu de vous aider on vous enfonce.
La question fondamentale qu’il pose est « pourquoi un tel acharnement sur un handicap, ou plutôt une différence, qui met tant de gens dans des situations ubuesques mais bien réelles ? »
Je me suis efforcé de montrer le vrai visage d’une France qui par hypocrisie et par manque de courage massacre les personnes autistes.
La question que pose ce livre va plus loin que l’autisme dans une société où l’on forme les gens pour aduler le principe de l’élitisme. Nous avons développé le principe d’enseigner à nos élites de répondre à un problème par une procédure.
Si on répond à la procédure différemment, avec mon regard de dyslexique, que se passe-t-il?
Si on met un grain de sable dans la machine avec les armes de l’administration que se passe-t-il ?
« Qu’ont-ils fait de Florian ? » est à la fois un témoignage, un cours de droit simplifié, un reportage sur les administrations confrontées au problème de l’autisme, mais c’est aussi une histoire d’hommes qui ne se connaissaient pas et qui se sont fait confiance immédiatement pour aller jusqu’au bout.
Concernant le public visé, la question qui s’est posée était de raconter une histoire qui ne concerne pas uniquement les personnes ayant des membres de leur famille avec autisme. C’était trop restrictif et n’aurait pas attiré l’attention sur notre cause.
J’ai donc voulu raconter une histoire qui s’adresse à tout citoyen qui, par le biais du problème de l’autisme, pourra réfléchir au fonctionnement de notre société.
Quels objectifs visais tu en l’écrivant ?
Mettre en évidence le scandale de l’autisme avec le problème de la distribution démente des crédits : nous dépensons l’argent pour l’entretien d’une Ferrari pour avoir la rentabilité d’une mobylette.
Le livre ne fait pas de concessions, ni à l’Education nationale, ni à l’Agence Régionale de Santé (ARS), ni à la Maison Départementale de la Personne Handicapée (MDPH), même les éducateurs, associations de parents et parents d’enfants autistes en prennent pour leur grade.
Il est volontairement dérangeant pour créer un électrochoc.
S’il crée des réactions, quelles quelles soient, alors j’aurai réussi mon pari : médiatiser la cause de l’autisme sans pleurer, sans se plaindre, mais en demandant notre dû ainsi que la réparation du mal fait aux adultes autistes.
Quelles réactions espérais tu obtenir de la part des lecteurs en écrivant le livre ?
Plusieurs réactions et de divers types :
- À une réaction violente, du genre de celle qui a lieu actuellement avec des interventions dans les librairies de Bastia pour interdire la lecture de mon livre, comme les nazis sous le 3ème Reich, ce qui prouve que pour certains dans notre pays la diffusion d’idée n’est pas si libre que cela.
- Une réaction de gêne car qu’on le veuille ou non le livre est dérangeant.
- Une compréhension de mon message : on ne négocie pas avec des gens qui ne veulent pas négocier surtout quand le droit est pour nous.
- Enfin, une réaction de soutien des médias, durable pour rappeler aux pouvoirs publics de ne pas nous oublier.
Si une seule de ces réactions est atteinte, alors une petite pierre sera apportée à notre cause.
Quelles sont les réactions des lecteurs ?
Elles sont assez diverses:
- Violentes, insultantes même. Certains considèrent le livre comme un ouvrage qui massacre l’Éducation Nationale ou les associations, d’autres estiment que c’est trop.
Pour ceux-là je répondrais que ma vérité n’est pas bonne à lire.
- Les politiques et le recteur d’Académie ont une approche plus douce, puisque le livre leur a plu, voire les a fortement interpellés sur leurs fonctions de personnes politiques ou de fonctionnaires, certains m’ont même dit qu’ils avaient eu du mal à dormir après la lecture d’un tel ouvrage.
- Les lecteurs de familles avec enfant autiste me disent se retrouver dans mes écrits car en fait, mon histoire n’est pas la mienne mais celle de tous les français qui ont un problème avec leur enfant et qui se trouvent dans des situations de fou à cause du système.
Quels objectifs as-tu après la diffusion de ce livre ?
Avant même la sortie du livre, un producteur, Antoine Gannac, a voulu en faire un documentaire de 52mn qui passera à une heure de grande écoute sur France 3 et qui sera subventionné par la Collectivité Territoriale de Corse.
Le livre et le film passeront en boucle sur tous les bateaux de la SNCM tout l’été 2013.
J’ai proposé le livre à plusieurs producteurs pour en faire un film fiction, Muriel Robin est d’accord pour se pencher sur le scénario, le livre est sur la table de Fréderic Mitterrand pour avis. Je l’ai remis à plusieurs acteurs comme Céline Paoli ou Eric Fraticelli (mafiosa) pour avis.
Faire un film fiction me permettrait de faire passer des idées que je ne peux pas diffuser dans un livre ou un documentaire.
J’en profite pour faire un appel au cas où un producteur serait intéressé.
Qu’est ce qu’il faudrait changer selon toi dans le gouvernement, dans les associations de parents, pour que la situation de l’autisme s’améliore en France ?
Pour moi, la loi existe il faut la faire appliquer et l’adopter. Dans certain cas, nos prédécesseurs dans les associations ont fait un très bon travail puisqu’ils ont réussi à faire sortir cette fameuse loi du 11 février 2005.
Aujourd’hui, le temps de la négociation est fini.
Il est temps d’aller au combat, la loi est pour nous, alors prenons des avocats systématiquement et proposons-leur un intéressement au résultat financier des gains obtenus lors des procès.
Si des milliers de personnes et d’associations procèdent de cette façon, les pouvoirs publics seront obligés de plier.
Quel conseil donnes-tu aux parents d’enfants autistes ? aux non-parents d’enfants autistes ?
- Aux parents :
La seule chose à laquelle je crois tient en un mot : « adaptabilité ». Je ne crois pas à un dogme précis et je ne me sens pas le droit de donner des conseils à des gens qui ont des situations aussi différentes et qui à la fois sont aussi semblables à la mienne. Je ne suis qu’un spécialiste de mon fils et encore mon but était de témoigner en choquant grâce à ma vision de ce que j’ai vécu. Je ne revendique pas détenir la vérité, je donne la vision d’un dyslexique sur les problèmes qu’il rencontre avec le système quand il se retrouve confronté à l’autisme de son fils.
- Aux non-parents et aux lecteurs qui n’ont pas de rapport direct avec des personnes avec autisme :
Tout est possible dans la mesure où les gens ne croient pas au miracle et ne fantasment pas sur les autistes.
Je reprendrai une phrase d’Agnés Woimant, présidente de Autisme et Apprentissages : « pas formé, pas déformé » ce qui veut dire que nous avons affaire à des gens différents et que nos habitudes sont à mettre en cause. Nous acceptons les noirs, les jaunes…. Pourquoi ne pas accepter les autistes pour ce qu’ils sont ?
La question qui se pose pour nous français est de savoir pourquoi, dans les pays modernes, nous sommes les seuls à avoir une attitude proche du massacre scolaire qui s’applique non seulement aux autistes mais aussi aux dyslexiques et autres dyspraxiques, etc..
Pourquoi ces personnes, quand elles sont cadrées, sont-elles recherchées dans les entreprises américaines ?
Un travail de réflexion est à faire sur la façon de réfléchir des personnes autistes et sur leur capacité à regarder notre société. A l’heure où nous recherchons des innovations, pourquoi ne pas se pencher sur leur façon de réfléchir pour aborder nos problèmes différemment, tant dans le domaine du droit, de l’informatique, du design ou tout simplement de la créativité, même pour ceux qui ne feront pas d’études leur façon d’appréhender la manutention ou la pâtisserie pourrait nous surprendre.
À méditer